L’usage veut qu’un éditeur rende un hommage à un écrivain de valeur qui abandonne sa plume pour toujours. Souvent ces homélies se ressemblent mais pour Weideli, ça ne fonctionne pas. Traducteur important de Dürrenmatt et de Ludwig Hohl qu’il a fait connaître aux Francophones. Il fut aussi un dramaturge progressiste de valeur. Sans le vouloir, il fut le Brecht de l’Helvétie. Turbulent, il passa la dernière partie de sa vie avec sa femme Mousse avec qui il vécu en symbiose. Lorsque je lui ai rendu visite à Sainte-Innocence, d’emblée j’ai été frappé par la poésie des lieux. Epris d’absolu comme un grand adolescent, il vivait dans une belle maison où trônaient des livres, encore des livres. Mais une paroi était réservée aux photos de son amoureuse disparue. Un millier de photos de Mousse qui nous scrutait. Au rez, règne une paix au parfum d’éternité avec une tortue qui va et vient entre le jardin et le salon. Une tourterelle roucoule entre les silences de notre conversation. Alors qu’au premier étage, je découvris deux revolvers, l’un sur sa table de nuit, l’autre gisait dans un recoin de la salle de bains. L’ambivalence du personnage sautait aux yeux. Le sentiment que je retiens de cette visite, c’est d’avoir rencontré un authentique homme de lettres. Il me faisait un peu penser à Jacques Chessex avec ses brusques changements d’humeur. Les humeurs de Weideli étaient plus philosophiques et se manifestaient parfois avec un certain recul, notamment lors des relevés de droits d’auteur qu’il contestait systématiquement. Ses mises en doute étaient des accusations violentes et injustes. Comme Chessex, il accusait l’autre avant de connaître la vérité. Oui, je reconnais d’avoir été blessé injustement mais j’avais toujours l’impression que son attitude se situait à l’opposé de la sagesse. Cependant, j’ai le plaisir de l’entendre dire en 2019, dans une émission télévisuelle régionale. Oui, je reconnais que la vie n’a pas été injuste avec moi. Soit, mais les comportements de Walter Weideli m’interrogent toujours. Et je ne serais pas surpris que l’auteur de La Partie d’échecs emporte ses secrets dans sa tombe. Une seule certitude: ses pièces, ses prises de position et sa confession nous interpelleront toujours. C’est mon pari. 

L’Aire Michel Moret

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